Chapitre 15 :  Le Jour de l’Abondance

 

Des élèves entrèrent pour utiliser eux aussi la cuisine. D’un signe expressif, Morsifer leur fit comprendre d’attendre dehors le temps qu’il mange. Aussi dociles que moi, ils s’exécutèrent sans broncher. Cet abruti semblait régner sur l’école tout entière.

— Mais ma parole, c’est excellent ! nous félicita-t-il avant de ricaner bêtement. C’est du poisson, ça ? Un délice… Je n’aurais jamais pensé que c’était si bon cru. Apporte aussi une assiette à mes amis !

Elibouban s'exécuta, les mains tremblantes, mais si j’en jugeais par l’éclat de fureur qui animait son regard, ce n’était pas à cause de la peur. Il semblait plutôt lutter pour se contenir. Mais s’il n’avait pas peur, pourquoi se laissait-il faire ? Pendant un long moment, nous les regardâmes se repaître à volonté de notre nourriture. Je bouillais intérieurement.

— Vous n’êtes que de sales brutes égoïstes ! les blâma Zaell, rouge de colère.

Et comme pour mieux exprimer son mépris, elle cracha à leurs pieds, n’obtenant pour toute réaction que de nouveaux rires sarcastiques.

— C’est qu’elle a du caractère, la princesse ! se moqua Morsifer avant de se lever, repu. Allez, les filles, on vous laisse ! N’oubliez pas de faire la vaisselle et de bien tout nettoyer !

Ses sbires éclatèrent de rire et ils se retirèrent sans un regard en arrière. J’avais beau être furieux et frustré à la fois, je me sentis étrangement soulagé de les voir partir sans nous avoir mis la moindre raclée. Connaissant la violence de Morsifer, je m’étais attendu à une nouvelle correction.