Chapitre 9 : L’Asylum-Nocturnis

 

— La grande bibliothèque, me renseigna Azhar. Elle faisait aussi office de salle d’étude pour la plupart des érudits. Ils y passaient même le plus clair de leur temps.

Il activa le cercle en fer qui commandait le loquet de l’autre côté du panneau, déclenchant un heurt métallique qui me fit craindre d’éveiller quelque chose que nous ne devrions pas déranger. Mais le silence retomba et le battant s’écarta. Azhar s’avança le premier, dévoilant à la lueur de sa torche le triste spectacle d’une bibliothèque jadis prestigieuse. Des colonnes de rayonnages chargés de précieux volumes se perdaient dans des hauteurs enténébrées. À l’inverse, la plupart des étagères du bas avaient été vidées. Désormais simples squelettes de bois et de métal vacants, elles n’abritaient plus que quelques rouleaux de parchemin égarés. Plus loin, une silhouette courbée au-dessus d’un pupitre se profila à contrejour de la flamme d’une des torches. Son profil étrange m’interpella. Saisi d’un doute, je fis signe à Elibouban d’approcher. Le feu dansant révéla une dépouille rachitique, desséchée, à la peau parcheminée et aux orbites creuses. Les restes d’une toge d’érudit enveloppaient ses épaules décharnées et des touffes de cheveux éparses subsistaient sur son crâne. Nous restâmes interloqués devant cet improbable vestige du passé. Les chairs semblaient s’être rétractées au lieu de pourrir, comme si quelque chose avait empêché leur putréfaction.