Extraits
Chapitre 3 : La forêt des Mille-Ames
— Alors ? fis-je, anxieux. Qu'en pensez-vous ?
— Que veux-tu que j'en pense ? T'es coincé dans le sol et j'ai beau être débrouillard, je vois difficilement comment te sortir de là sans une bonne pioche ! Et malheureusement pour toi, il se trouve que je l’ai laissée avec ma corde...
Je ne relevai pas sa pique. Désespéré, j’avais pris appui sur mes mains pour pousser de toutes mes forces, ahanant sous l'effort, indifférent à la douleur que je m'infligeais. Hélas, mes jambes ne bougèrent pas d'un pouce et la sensation d'oppression que je ressentais s'en trouva accentuée. Je levai de nouveau les yeux vers l’homme supposé veiller sur moi. Manifestement, il n’était pas préparé à ce genre d’imprévu. Derrière lui, un mouvement étrange agita les branches, comme une nuée d’oiseaux invisibles s’égaillant dans les ramures, mais je ne m’en préoccupai pas, trop obnubilé par ma propre situation. Ce fut seulement lorsqu’une seconde plainte s’éleva que je scrutai de nouveau l’obscurité qui nous entourait, cette fois avec plus d’attention.
— Vous avez entendu ? voulus-je savoir dans un souffle inquiet.
— Entendu quoi ? C'est juste le vent, tenta de me rassurer Grisou.
Mais je ne partageais pas son avis.
— Bon. Revenons-en plutôt à nos moutons, suggéra-t-il. Tu n'aurais pas une idée, toi, au lieu de rester planté là à ne rien faire ?
J'eus envie de le traiter d'imbécile, mais l’insulte se figea dans mes pensées. Un bruit avait fixé mon attention sur le saule immense planté en bordure du sentier et dont les longues branches fines se balançaient au gré de la brise. Scrutant ses racines proéminentes avec un mauvais pressentiment, je repérai l’ombre d’un trou, dissimulé entre deux protubérances. Soudain, une main putréfiée en jaillit et agrippa l’un des nœuds tentaculaires qui ressortaient de terre. Sous le choc, je ne parvenais pas à me détacher de la silhouette vaguement humaine qui en émergeait.
— Gri… Grisou…
— Mmmh ?
La chose se mit à ramper vers nous, balayant le sol de ses longs cheveux sombres constellés de résidus terreux.
Chapitre 15 : Le Jour de l’Abondance

Des élèves entrèrent pour utiliser eux aussi la cuisine. D’un signe expressif, Morsifer leur fit comprendre d’attendre dehors le temps qu’il mange. Aussi dociles que moi, ils s’exécutèrent sans broncher. Cet abruti semblait régner sur l’école tout entière.
— Mais ma parole, c’est excellent ! nous félicita-t-il avant de ricaner bêtement. C’est du poisson, ça ? Un délice… Je n’aurais jamais pensé que c’était si bon cru. Apporte aussi une assiette à mes amis !
Elibouban s'exécuta, les mains tremblantes, mais si j’en jugeais par l’éclat de fureur qui animait son regard, ce n’était pas à cause de la peur. Il semblait plutôt lutter pour se contenir. Mais s’il n’avait pas peur, pourquoi se laissait-il faire ? Pendant un long moment, nous les regardâmes se repaître à volonté de notre nourriture. Je bouillais intérieurement.
— Vous n’êtes que de sales brutes égoïstes ! les blâma Zaell, rouge de colère.
Et comme pour mieux exprimer son mépris, elle cracha à leurs pieds, n’obtenant pour toute réaction que de nouveaux rires sarcastiques.
— C’est qu’elle a du caractère, la princesse ! se moqua Morsifer avant de se lever, repu. Allez, les filles, on vous laisse ! N’oubliez pas de faire la vaisselle et de bien tout nettoyer !
Ses sbires éclatèrent de rire et ils se retirèrent sans un regard en arrière. J’avais beau être furieux et frustré à la fois, je me sentis étrangement soulagé de les voir partir sans nous avoir mis la moindre raclée. Connaissant la violence de Morsifer, je m’étais attendu à une nouvelle correction.
Chapitre 33 : La Sanction
Je me redressai comme un ressort. Mon cœur se mit à battre la chamade et la terreur me fit suffoquer. Dans le noir, je perçus le mouvement d'une forme massive qui fit trembler la caverne. Je décampai en hurlant. Un bruit sourd me parvint tandis que le monstre se précipitait derrière moi en grondant. Je courus sans me retourner. J'entendais les terribles mâchoires s'ouvrir et claquer dans mon dos alors qu'il essayait de m'attraper. Des flammes crépitèrent et mon manteau prit feu. Je m'en débarrassai tout en essayant de tenir le rythme de la course. Hélas, dans la précipitation, je me pris les pieds dans les restes d'animaux morts qui gisaient et m'étalai de tout mon long. En panique, je tentai de me relever sans y parvenir. J'avais perdu mes moyens, incapable de concentrer mes efforts sur le Mantra du Contrôle. Dans une tentative désespérée, je roulai sur le dos, les bras tendus en direction de la bête. La peur canalisa l'énergie nécessaire. Une boule destructrice jaillit de ma paume ouverte, mais je n'avais pas ajusté mon tir. Namastiera frappa le mur juste à côté du dragon, frôlant de peu ses écailles. Cela avait à peine noirci sa peau rugueuse et épaisse, mais l'attaque suffit à le faire entrer dans une rage folle. Il se dressa avec un cri effroyable, puis se mit à donner des coups de tête contre les parois de la grotte. Tout tremblait autour de moi. Ses rugissements assourdissants se propagèrent jusqu'au fond de mes entrailles. De la poussière et des cailloux me tombèrent dessus. Au plafond, des blocs de roche menaçaient de se détacher. Il fallait que je sorte de là le plus vite possible. À quatre pattes, je voulus m'orienter vers la sortie, mais un éboulement me stoppa, obstruant la seule issue. Des pierres et des rochers se fracassèrent au sol, les uns sur les autres, et une douleur intense m'envahit. L'un d'eux me broyait la jambe. J'étais bloqué, à la merci du monstre, le cerveau en ébullition. Le dragon ouvrit une gueule béante au fond de laquelle j'aperçus la naissance d'un brasier. Le temps s'arrêta une fraction de seconde et je sentis son souffle brûlant sur mon visage.
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Chapitre 9 : L’Asylum-Nocturnis
— La grande bibliothèque, me renseigna Azhar. Elle faisait aussi office de salle d’étude pour la plupart des érudits. Ils y passaient même le plus clair de leur temps.
Il activa le cercle en fer qui commandait le loquet de l’autre côté du panneau, déclenchant un heurt métallique qui me fit craindre d’éveiller quelque chose que nous ne devrions pas déranger. Mais le silence retomba et le battant s’écarta. Azhar s’avança le premier, dévoilant à la lueur de sa torche le triste spectacle d’une bibliothèque jadis prestigieuse. Des colonnes de rayonnages chargés de précieux volumes se perdaient dans des hauteurs enténébrées. À l’inverse, la plupart des étagères du bas avaient été vidées. Désormais simples squelettes de bois et de métal vacants, elles n’abritaient plus que quelques rouleaux de parchemin égarés. Plus loin, une silhouette courbée au-dessus d’un pupitre se profila à contrejour de la flamme d’une des torches. Son profil étrange m’interpella. Saisi d’un doute, je fis signe à Elibouban d’approcher. Le feu dansant révéla une dépouille rachitique, desséchée, à la peau parcheminée et aux orbites creuses. Les restes d’une toge d’érudit enveloppaient ses épaules décharnées et des touffes de cheveux éparses subsistaient sur son crâne. Nous restâmes interloqués devant cet improbable vestige du passé. Les chairs semblaient s’être rétractées au lieu de pourrir, comme si quelque chose avait empêché leur putréfaction.
Chapitre 14 : Sens dessus dessous

Pendant une minute, je n’entendis plus que mon coeur battre dans mes tempes. Mon sang s’échauffa. Pouvais-je vraiment tenter d’affronter un sorcier bien plus expérimenté que moi ? Sa voix narquoise me parvenait au milieu du brouillard de mes pensées, mais je ne comprenais plus ce qu’il disait. Toute mon attention était focalisée sur l’éthérax qui me chatouillait les doigts. Il nous sous-estimait. C’était peut-être notre meilleure chance.
Vas-y ! Maintenant !
La voix de mon Djil Obscur avait explosé dans mon esprit enfiévré. Je le sentais s’agiter avec fureur, avide de prendre le contrôle et de laisser déferler son pouvoir, mais il n’était pas question de céder. Soudain, l’ordre fut donné aux soldats de nous arrêter. Talianthe décocha une flèche dans la cuisse de celui qui venait vers lui. Cela le fit tomber sur un genou et il étouffa un cri de douleur. Par réflexe, il voulut ôter la flèche, mais Aion lui trancha la tête sans autre forme de procès. Dans le même temps, Talianthe fut projeté contre les étagères du fond. Tout ce qu’elles contenaient s’effondra sur lui sous les exclamations outrées de Lorzaï :
— Pas dans ma boutique ! tempêta-t-il en levant les bras au ciel.
Chapitre 34 : Cap au sud

— Vous avez vu ça ?
— Oui, le voyage touche enfin à sa fin ! me réjouis-je.
— Non, pas ça… Ça !
Au large, emplissant l’horizon bruineux de centaines de voiles, une véritable armada de vaisseaux se dirigeait vers nos côtes. Je plaquai à nouveau mon oeil contre le cercle de verre de la longue-vue pour voir à quoi nous avions affaire. Un violent frisson m’électrisa. Sur la multitude de toiles gonflées par le vent, un terrible symbole s’étalait. Celui de l’Obscur lui-même.
Je me décomposai sur place, à la fois hypnotisé et terrifié par ce spectacle. Même Aion avait lâché la barre pour venir assister à cette intrusion de l’Angarath sur les eaux que partageaient Septentrion et Nerendell. Ils ne suivaient pas le même cap que nous, qui voyagions au hasard, et je me demandai avec effroi où ce sinistre cortège projetait de jeter l’ancre. Murés dans une lourde gravité, nous prenions chacun la mesure de l’instant que nous vivions. Le Cénacle menait l’armée angarienne à nos portes. Altilus l’avait annoncé ; Santhoryne n’était que le commencement d’une guerre bien plus vaste. Une guerre contre Nerendell, qui pourrait bien s’étendre au reste du monde.
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Entrez dans l’univers du Halo des Ombres… et repartez avec un souvenir
Les autrices
Viviane de Clairval est née le 23 décembre 1986. Très imaginative, elle prend la plume dès l'âge de dix ans et s'attache pendant plusieurs années au registre fantastique avant de s'orienter vers la fantasy. Tandis qu'elle travaille sur un projet qui lui tient à cœur, une collaboration naturelle voit le jour avec sa sœur, Céline De Clairval, d'un an son aînée. Toutes deux mariées, l'une mère de quatre enfants, l'autre de trois, elles partagent leur temps entre famille et écriture. De leurs talents associés, est né le Halo des Ombres, saga inédite et originale qui régalera les lecteurs, qu'ils soient amateurs du genre ou non.