Le Dieu sans Nom
I. La Main des Anciens

Roman Lutèce
Synopsis
Capitaine de l’armée impériale Asgarthienne, Ilas de Rayel est un homme valeureux et difficile à impressionner. Pourtant, rien ne l’avait préparé à cette expédition dans les terres inexplorées du Nevestin.
Au cœur de ces sinistres contrées, il lui faut s’associer à quatre compagnons triés sur le volet pour retrouver le professeur Lake, une savante mystérieusement disparue au service de l’Empire. Mais des forces séculaires et innommables sont à l’œuvre sur ces territoires hostiles. Elles murmurent dans le noir, et Ilas devra rassembler tout son courage pour ne pas succomber à leur appel, qui résonne depuis les tréfonds du monde.
Format broché 15 x 23 cm – 812g – 636 pages
Collection : Le Culte des Abysses
Genre : Dark Fantasy
Prix : 22,90€
Extrait 1
— Putrailles, gémit tout à coup Jeff en se tenant le ventre. Ce que j’ai faim…
Thaïs leva les yeux au ciel avec lassitude :
— Tu ne penses qu’à manger, Jeff. Et puis on a déjà…
— Ce que je voudrais, c’est un énorme, un gigantesque sandwich au poulet comme ils en font à Hubar, la coupa-t-il en ignorant son exaspération. Avec le fromage et la sauce qui dégoulinent, tu vois ? Ouais… je tuerais pour en avoir un !
Le télégraphiste se tourna vers Azaïga, qui marchait à côté de lui. Elle n’apprécia pas le regard insistant qu’il dardait sur elle, ce pourquoi elle se tint immédiatement sur ses gardes :
— Me regarde pas comme ça, grogna-t-elle en fronçant les sourcils.
— Si tu pouvais choisir de manger un truc, là tout de suite… commença-t-il en faisant fi de sa méfiance. Absolument tout ce que tu veux. Tu voudrais quoi ?
La chasseuse de primes eut une moue interrogative. Mais, comme tous les autres, la faim la tiraillait aussi. Aucun d’eux ne parvenait à se sustenter convenablement. La chasse était mauvaise, tout comme le goût des animaux qui peuplaient cette forêt. Aussi se surprit-elle à se prêter au jeu.
— Immédiatement, comme ça, je crois que je vendrais ma mère pour des pâtes au basilic Lucomorien. Ça vaut tous les sandwichs au poulet du monde.
Jeff émit un hoquet, choqué.
— Quoi ? Ah nan, j’crois pas, nan !
— Et moi, je t’assure que si ! répliqua Azaïga en se fendant d’un sourire narquois.
Elle pivota vers Thaïs qui, jusque-là, avait gardé le silence. Mais la jeune mercenaire la suspecta en réalité de préparer sa réponse.
— Et toi, Thaïs ?
— Mimasen… répondit-elle avec gourmandise tout en se grattant le menton. Un rougail… Oui, un bon rougail, avec du beurre de cacahuète. Et une grosse plâtrée de riz.
— Ah ! J’étais sûr que toi aussi, t’avais encore faim ! l’apostropha Jeff.
— Je n’ai pas dit ça, se défendit-elle d’un air exaspéré.
Azaïga héla Ilas et Daniel, qui avançaient en tête du groupe. Les deux hommes, face à une haie de bambous, se demandaient s’il était possible de continuer à suivre la rivière à présent qu’ils l’avaient franchie.
— Et vous les gars ?
Le capitaine se retourna et l’interrogea du regard.
— Si vous pouviez manger ce que vous voulez, là tout de suite, vous choisiriez quoi ?
D’abord surpris, Ilas fut rapidement amusé par la question.
— Une putain d’entrecôte bien affinée avec une montagne de frites, lui répondit-il en salivant à cette simple pensée.
Juste à côté, Daniel ne put retenir un rire sincère tout en réajustant son sac à dos sur ses épaules.
— Mon cher Ilas, il semble que vous et moi ayons plus en commun que je ne le pensais. Je serais presque prêt à me damner pour une belle pièce de viande assortie d’un excellent vin rouge Asgarthien.
— À ce point, hein ? sourit Ilas, qui avait toujours plutôt imaginé Daniel du genre végétarien.
Chapitre 4 – Traversée sylvestre
Extrait 2
Le groupe dévala le relief peu élevé et entra dans la carrière. Le sol y avait été raclé jusqu’à la roche, bien que des touffes de bruyère éparses semblaient encore y trouver leurs aises. Entre deux rochers et ce qui restait d’un arbre, s’ouvrait le tunnel qu’on venait de leur désigner, creusé à la pioche. L’obscurité qui s’y tapissait n’avait rien d’engageant. Après avoir allumé sa lanterne, Azaïga s’y aventura la première, bientôt suivie par les autres. Seul Jeff resta quelques secondes indécis avant de lui emboîter le pas. À la lumière orangée des lampes à naphte qu’on lui avait prêtées, l’expédition arpenta le tunnel. Le bruit de leurs pas se répercutait en échos entre les parois rocheuses, agrémentés de sons étranges et presque inaudibles. Tantôt rauques, tantôt humides, ils évoquaient à Ilas des raclements de gorge. Le capitaine mit toutefois cela sur le compte de l’acoustique particulière de la galerie, dont les aspérités, sous leur éclairage fluctuant, rappelaient les annelures d’une trachée. Il n’en aurait guère fallu davantage pour inspirer un mortel effroi au reste du groupe, aussi garda-t-il ses observations pour lui.
Chapitre 15 – Noir charbon
Extrait 3
— Que se passe-t-il ? s’enquit l’ecclésiaste.
D’un geste sec de la main, la Yomie leur fit signe de se taire.
— Quoi ? C’est rien qu’un corbac, grogna Jeff en s’arrêtant à leur hauteur.
— Justement, non, le contredit alors Thaïs dans un murmure. C’est autre chose…
Le cri retentit à nouveau. Il ressemblait à s’y méprendre à celui d’un corvidé, mais n’en sonnait pas moins différemment. Ce criaillement rauque, presque métallique, ne pouvait avoir été poussé par un oiseau, ni même par quoi que ce soit de vivant et d’organique. La Yomie, alarmée, se tourna vers le reste du groupe, qui venait de s’immobiliser à son tour. Il y eut soudain un léger craquement au-dessus de leurs têtes. Un objet informe tomba des frondaisons, heurta le sol meuble puis roula jusqu’aux pieds d’Ilas et d’Azaïga. Le capitaine recula d’un pas prudent et tira son sabre, à la pointe duquel il tâta la chose dans l’obscurité. Il s’efforça de la retourner afin de l’examiner, espérant découvrir de quoi il s’agissait. Jeff se rapprocha en brandissant sa lanterne avant de hoqueter de frayeur. La lumière éclaira une tête, celle d’un bœuf auquel il manquait la mâchoire inférieure.
— Qu’Arhnam nous protège ! balbutia Daniel, terrifié.
Chapitre 18 – Des lueurs dans la nuit